À travers Humphrey
Il y a des murs qui se dressent devant Humphrey.
Il déambule entre les arbres à la recherche de ce qu’il a perdu il y a bien longtemps
Mais qu’on l’accuse d’avoir vendu en échange d’un bout de vent.
Il y a quelque chose d’absurde à se laisser glisser sur l’eau comme un renard au ventre plein.
Avec la peur de découvrir ce que l’on a fait de vos membres
Avec des éclaboussures de vide à la place de sa propre lumière
Il y a dans le pied d’Humphrey une écharde qui au lieu de s’extraire peu à peu de son corps, s’enfonce profondément et grandit.
On l’entend crier de très loin, mais il faut tendre l’oreille pour comprendre ce qu’il raconte
Son murmure ressemble à du vent
Humphrey court contre la froideur du temps.
Les effeuillages le hantent.
Sa peau est une mémoire du refus.
Elle enchante les monstres qui l’ont dévorée un soir de cristal.
On raconte qu’il en reste des lambeaux accrochés aux branches
Des lambeaux desséchés qu’on peut voir encore pendre si on a de la chance.
Mais tout ça ne préoccupe pas vraiment Humphrey. Sa vieille peau, il l’a oubliée quelque part, dans son soir blanc, au large de Beck. Il a oublié aussi la nuit dans son ivresse.
Il est un vaillant sauveur de mythe, qui se cache sous des kilomètres de feuilles et d’aiguilles lorsqu’il croise un cheval-vapeur. Humphrey est l’archétype de lui-même, un fantôme distrait.
Un spectre qu’on n’oublie pas et qui ne parvient pas à se faire oublier. De toute façon, ce n’est pas ce qu’il cherche. Un spectre à la fois à l’intérieur et autour de lui, de ce qu’il reste de son corps. C’est à dire pas grand chose. À peine un souvenir. Mais assez pour chercher un sable assez fin à lui souffler dessus pour faire apparaître ses traits.
Je me suis longtemps demandé si Humphrey n’était pas simplement le fruit de mon imagination, si je n’avais rêvé cette cuite dans une auberge puante du port de Beck. C’est vrai qu’il y aurait de quoi se poser la question. Mais il laisse de traces de pas qui me précèdent dans les sentiers boueux., reconnaissables à la légère lueur verte qui s’en dégage et au fait qu’une fois dépassées, elles ont disparu.